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On a retrouvé. Popoff le gitan, le roi de la manchette

Popoff le Gitan

A 72 ans, Jean-Pierre Pouzade, alias « Popoff le Gitan », est nostalgique du temps où il était hué dans les galas de catch. Retraité en 2009, il s’entraîne tous les jours dans son jardin en espérant retrouver un jour le chemin du ring.

Par Anthony Hernandez
Photos. Thierry Pasquet pour Le Monde

Popoff le Gitan. Le nom ne dit sans doute rien aux moins de 30 ans. Mais pour les nostalgiques de l’âge d’or du catch français, c’est une madeleine de Proust. De l’après-guerre aux années 1980, les mythiques salles parisiennes de l’Elysée-Montmartre, de Wagram ou du Cirque d’hiver accueillaient des personnages extraordinaires. Des sportifs-comédiens aux noms fantaisistes qui faisaient vibrer la foule. le Bourreau de Béthune, l’Ange blanc, Chéri Bibi. Tous ont passé l’arme à gauche. Pas Popoff. A 72 ans, crâne toujours aussi glabre et bacchantes tombantes, Jean-Pierre Pouzade – pour l’état civil – est le témoin vivant d’une époque révolue. Plus jeune catcheur vedette, il a 15 ans quand il monte sur le ring pour la première fois. Il a connu les premières retransmissions télévisées. Il a même été champion d’Europe vétéran il y a tout juste vingt ans. Il a raccroché en 2009… à l’âge de la retraite bien dépassé.

Enfin, officiellement. Car aux dernières nouvelles ce banlieusard aux origines auvergnates, modèle plutôt fréquent à Paris, ne se résout pas à lâcher tout à fait l’entraînement. A La Motte, petite commune des Côtes-d’Armor d’à peine 2 000 habitants, où il habite depuis 2008 avec son épouse, Monique, les rares voisins ou les promeneurs égarés dans cette campagne bretonne peuvent assister à des scènes insolites. Slip de bain rouge (sa « tenue fétiche » ), torse nu, dans un coin spécialement aménagé au fond du jardin, le septuagénaire enchaîne les séries d’haltères et les kilomètres sur son vélo d’appartement rouillé. « Ça fait quatre ans que je ne suis pas monté sur les planches. Ça me démange, d’ailleurs. Mais on me dit toujours. “T’as pas changé, Popoff. Comment tu fais ?” Bah, c’est l’entretien qui compte, et ma salle de gym est en plein air. »

En hiver, lorsque le froid croit avoir raison de sa volonté de fer, le salon se transforme en salle de musculation. En appui sur deux chaises, il fait des pompes et des abdos, sous le regard placide de Junior, son chien. En bordure de la forêt de Loudéac, la maison de Popoff regorge de souvenirs. Les belles affiches à l’ancienne annoncent les combats de l’époque. « Popoff le Gitan contre Ange Orsini », « Popoff face à Claude Rocca », « Popoff le fougueux gitan contre Jacquot le crack châlonnais »… Extirpés de la chambre à coucher, les cartons regorgent de vieilles coupures de journaux et de photos. Encadré au mur, un Popoff fringant, la trentaine, pose sur un cheval blanc, la moustache pas encore grisonnante et une crinière épanouie. « C’était ma période chevelue, mon style hippie ». s’amuse-t-il avant de se lever pour mimer une action. Mâchoire serrée, en position de combat, il lance son cri bestial. « C’est ma spéciale. J’adorais faire le méchant. J’étais celui qui insultait le public. D’ailleurs, au début, avant de prendre mes pseudos, à cause de Pouzade, mon nom, les gens me balançaient des tomates en me prenant pour le fils de Poujade ». ce populiste français qui a donné son nom au poujadisme.

  • 1943 Naissance Ă  Juvisy (Essonne) le 12 mai.
  • 1958 Commence le catch Ă  l’âge de 15 ans.
  • 1960 Intègre la fameuse baraque de lutte Jackson.
  • 1980 Assiste Ă  la dĂ©crĂ©pitude du catch français.
  • 1995 Devient champion d’Europe vĂ©tĂ©ran de catch.
  • 2009 Se retire des rings.

Il faut dire que le turbulent Jean-Pierre, né en 1943 à Juvisy, dans l’Essonne, a développé de manière précoce un goût prononcé pour la castagne et l’insoumission. « J’ai été viré deux fois de l’école. la première fois, j’ai lancé un encrier à la tête de l’instit’ qui m’avait tiré sur les pattes. La deuxième, j’ai été pris en flagrant délit pendant que ma voisine, la fille de la maîtresse, me faisait des gentillesses sous le bureau. »

Sur les terrains de foot, le jeune Jean-Pierre a l’habitude de viser les chevilles des copains plutôt que le ballon. « Tu sais, petit, je connais une école de lutte et de catch. Si tu veux essayer… ». lui lance un jour un rabatteur qui détecte ses prédispositions à la bagarre. Il se rend secrètement à vélo à l’école de catch, à huit bornes du domicile familial, tous les jeudis. Son premier contact avec la discipline s’était noué à l’âge de 12 ans, en resquilleur, à travers la vitre cassée d’un marché couvert au centre duquel se dressait le ring. « C’était l’Homme masqué contre le Bourreau de Béthune. Le déclic, ç’a été quand j’ai vu ce personnage avec des bras énormes qui faisait se soulever le ring de 20 à 25 centimètres à chaque prise ». s’émerveille-t-il encore soixante ans après.

Roger Couderc commente avec verve un combat de catch particulièrement animé entre les catcheurs Paul Debusne et Serge Reggiori. 10 octobre 1958

A l’époque, le catch est très populaire. les galas fleurissent un peu partout et les salles sont bondées. Dès 1952, les Français assistent aux premiers combats retransmis à la télévision, commentés par le célèbre Roger Couderc. « Les gens regardaient le catch au café, chez le voisin qui avait la télé. Les paysans descendaient des tracteurs, maintenant ils passent dans “L’amour est dans le pré”. On était au-dessus de ­Johnny, nous étions des vedettes, on faisait des ­cascades dans les films d’Eddie Constantine et de Lino Ventura. »

En plus des galas de catch et des petites figurations, le jeune homme fréquente les baraques de lutte, de la Foire du trône à celles de Pigalle, où de faux volontaires du public défient les « lutteurs professionnels ». Jusqu’à 50 ans, Popoff est l’une des principales attractions de la baraque Jackson, à la Foire du Trône. C’est là qu’il gagne son surnom. « Je soulevais mon adversaire et je faisais “Hop. pof !” Alors Jackson, un drôle de numéro, m’a appelé “Popoff le Gitan”, ou parfois “le Russe”. Lorsqu’on m’a demandé de me raser pour une figuration dans un film, il m’a dit que je pouvais continuer à jouer le Gitan avec le crâne rasé. » De cette époque, trône sur une commode une photo où on reconnaît à côté de Popoff le Gitan Jacques Chirac, maire de Paris, en campagne pour la présidentielle de 1995.

C’est à l’Elysée-Montmartre, qui appartient à l’époque encore au catcheur Roger Delaporte, qu’il assiste à la lente agonie du catch. Il y côtoie Coluche, chargé avec d’autres comédiens de la programmation artistique. « Quand on n’avait pas trop de boulot, le père Delaporte nous faisait repeindre la salle. On a été doublés par le foot et le rugby, les médias se sont détournés. Les vieux se retiraient et il n’y avait pas de relève. Le catch mourait tout doucement. »

Dans les années 1980, Popoff ne fait plus qu’un gala par-ci, par là. Il devient même un temps chauffeur de poids lourd et multiplie les apparitions dans les sketchs du Professeur Choron et dans son opérette, Ivre mort pour la patrie. avec comme partenaire Arielle Dombasle. « Je n’ai pas été déçu du voyage. Qu’est-ce qu’on a pu se marrer. » La passion du catch ne le quitte pas. Il monte une école à Nanterre et devient l’un des meilleurs arbitres français. Une Fédération de catch est même lancée, mais le succès n’est pas au rendez-vous. Le centre de gravité de la discipline s’est déplacé aux Etats-Unis. « Ce sont les Français qui ont transmis le flambeau aux Américains, le Géant Ferret en particulier [dans les années 1980] ». rappelle Popoff. Aujourd’hui, les nouvelles stars du catch américain, très populaires dans les cours d’école, s’appellent John Cena ou Big Show. « Leur catch est moins bien. On n’y croit pas un instant. Il n’y a plus de chassés, de manchettes ». juge Popoff le Gitan.

Si Roland Barthes décrit le catch comme un « spectacle » et non un sport dans ses Mythologies. c’est qu’il n’a certainement jamais subi la poigne de Popoff. « Dans le catch à l’ancienne, on portait les manchettes et on les entendait claquer du fond de la salle. Il fallait savoir chuter et taper. Il ne fallait pas que l’on puisse dire que c’était du chiqué, alors on avait des ­astuces. C’était une école très dure. »

Le Bourreau de Béthune lors d'un combat à la fin des années 50. Ce grand catcheur français a inspiré Popoff le Gitan.

Malgré un léger sursaut, le catch n’est plus que l’ombre de lui-même en France. « Seul Flesh Gordon continue un peu à tourner. Il a trouvé le truc. il fait payer les mecs pour catcher. » Alors qu’il enfile son vieux costume, revêt sa magnifique cape jaune frappée d’un hibou, « confectionnée par le tailleur du général de Gaulle en personne ». Popoff assène. « Il n’y a plus de vrais catcheurs. Ce sont tous des gringalets. Quand je passe à la petite école qui a ouvert à Paimpol, les p’tits jeunes s’en aperçoivent. “Dis donc, le vieux, quand il envoie une manchette, elle est empoisonnée.” »

On a retrouvé…